Lorette-big12ème dim ord C
(lectures: Za 12,10-11;13,1; Ga 3, 26-29; Lc 9, 18-24)

L’Equipe d’animation pastorale m’a demandé si je pouvais, à l’occasion de ce jour de fête, vous aider à mieux comprendre la manière de vivre en Eglise, à travers notre Unité pastorale et les paroisses qui la composent. Je le fais bien volontiers, en soulignant, à l’aide de la Parole de Dieu d’aujourd’hui, quelques éléments qui me semblent essentiels pour vivre en chrétiens et en Eglise aujourd’hui.

Partons de l’Evangile: nous y voyons Jésus qui associe ses disciples à un temps de prière, à l’écart. C’est dans ce contexte que Jésus les conduit, à travers la bouche de Pierre, à confesser la foi que déjà ils ont en lui: il est le «messie de Dieu». On pourrait croire qu’ayant donné la bonne réponse, ils ont atteint le but et qu’ils connaissent ainsi tout de Jésus. Or aussitôt après, celui-ci leur annonce, pour la première fois, la perspective de sa passion et de sa résurrection. Cette annonce tombe «à pic», précisément au moment où les disciples pensaient «avoir», «tenir» la foi! Et voilà qu’ils sont relancés par Jésus à repenser les choses autrement, et à découvrir que la foi n’est jamais un acquis, mais un chemin à emprunter tous les jours. Pierre et les autres croient déjà en Jésus, mais ils ont encore à devenir des «disciples», à se laisser surprendre par leur maître et à le suivre sur des chemins inattendus…

Nous-mêmes, ici, sommes réunis dans un cadre de prière: dans une église, pour l’eucharistie dominicale. N’est-ce pas pour devenir davantage croyants? Si souvent, j’entends des gens justifier qu’ils ne vont jamais à l’église en disant: «moi, je suis croyant non pratiquant». Parfois, j’ai envie de leur répondre: «vous êtes sans doute plus pratiquant de l’Evangile que vous ne le prétendez, mais êtes-vous aussi croyants, càd aussi chrétiens, que vous ne le pensez ?»
La pratique de notre foi, c’est pour la maison, le travail, la vie dans nos quartiers et lieux d’engagement. Par contre, lorsque nous nous retrouvons en assemblée d’Eglise, c’est pour «devenir adultes dans la foi», pour devenir de façon plus ajustée des «croyants» en Jésus-Christ.

Cela m’amène à souligner la valeur essentielle de toutes les initiatives qui se vivent dans votre Unité pastorale pour «grandir dans la foi»: je pense d’abord à l’Eucharistie dominicale que nous ne pouvons négliger; je pense aux groupes pour partager la Parole de Dieu et la vie; je pense aussi aux matinées catéchétiques qui se clôturent par une célébration dynamique de l’Eucharistie: ces matinées sont normalement destinées aux adultes tout autant qu’aux enfants. Comment, en effet, transmettre aux plus jeunes générations une expérience chrétienne, si cette expérience est devenue floue, endormie, pour les adultes? N’ayons pas peur de nous retrouver en assemblée, pour grandir dans notre connaissance et notre accueil de Jésus. Laissons-le nous poser la question: «pour toi, qui suis-je?» Pour que le Christ touche les cœurs aujourd’hui, il faut commencer par vivre plus intensément de lui quand on est chrétien, et annoncer à tout vent son Evangile, son message nouveau et bon pour les hommes de tous les temps, donc d’aujourd’hui également. C’est le premier élément vital pour l’Eglise d’aujourd’hui et de demain: vouloir grandir dans la foi, quel que soit notre âge ou notre expérience.

Arrêtons-nous maintenant à la seconde lecture. Nous entendons l’apôtre Paul nous dire :

«En Jésus-Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi. Vous tous que le baptême a unis au Christ (…) vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus».

Sommes-nous conscients qu’il est impossible d’être disciple du Christ sans vivre en communion les uns avec les autres? C’est essentiel pour le témoignage à rendre au Christ. Jésus ne disait-il pas que c’est à l’unité entre les disciples que le monde reconnaîtrait qu’ils sont de Jésus et que Jésus lui-même est bien l’envoyé du Père(cf. Jn 17,21) ? Le Concile a repris les images de l’apôtre Paul qui parle de l’Eglise et de ses membres comme formant le «corps du Christ», dont Jésus est la tête et chaque baptisé un membre unique de ce corps. Comment un corps disloqué pourrait-il être beau et séduisant?

Reprenons conscience de l’importance de manifester notre communion, à travers la qualité de notre accueil mutuel dans nos assemblées, riches de leurs diversités d’âges, de conditions sociales, de provenances géographiques. Reprenons conscience du signe capital que nous pouvons donner en collaborant positivement entre paroisses d’une même unité pastorale. Certes, il ne s’agit pas de gommer nos différences: lorsque St Paul dit qu’il n’y a plus de Juif ou de païen, d’esclave ou d’homme libre, d’homme ou de femme, il ne gomme pas la diversité des situations particulières, mais il les met en second par rapport à une unité fondamentale, une dignité égale pour tous, à cause du Christ. En vertu du principe d’incarnation, en vertu duquel le Fils de Dieu a accepté d’être «de Nazareth», nous ne devons pas gommer d’où nous sommes, nous devons fleurir d’abord là où nous avons été semés ; mais que cela ne soit jamais au détriment d’une communion plus large qui doit être première et essentielle, pour rendre l’Evangile crédible!

A cet égard, depuis longtemps déjà vous travaillez en «unité pastorale». Il est certain que ce processus de fédération de paroisses voisines est lié à la diminution de nos ressources humaines (notamment de nos prêtres) et de nos forces. Sil on voit ce processus uniquement sous l’angle de la récession, on adopte alors facilement la tactique du repli sur soi, en croyant que de la sorte on se protège… En réalité, on s’asphyxie et on vit de nostalgie, et donc on est promis à une mort rapide: car la mission de l’Eglise, ce n’est pas d’être une «réserve» de catholiques repliés sur eux-mêmes, qui diminue d’année en année. Le repli sur soi est, en outre, facilement propice à des prises de pouvoir qui sont vite paralysantes pour tout le monde. Par contre, qui joue le jeu d’un travail en «unité pastorale», avec la part de mobilité et de changement d’habitude que cela implique, celui-là fait l’expérience que son cœur et sa foi s’élargissent et se purifient, deviennent plus universels…

Ajoutons en outre qu’un peu partout aujourd’hui, dans notre société, on valorise le travail en équipe, rendu nécessaire devant la complexité du monde et la nécessité de partager nos compétences, nos expériences; le travail en équipe, dans le domaine pastoral, est également une grande (re)découverte du concile Vatican II: conseils pastoraux, petites équipes locales, équipe locale de catéchèse… Même la mission de curé est appelée à se vivre davantage en équipe: certes, c’est toujours un prêtre qui reçoit la mission de curé, car le prêtre, par le sacrement de l’ordre, est signe sacramentel du Christ pasteur; mais sa mission est aujourd’hui portée et partagée dans le cadre d’une «Equipe d’animation pastorale», mandatée pour 3 ans par notre Evêque. Et cela est une grande richesse pour le prêtre ainsi que pour les paroisses qui lui sont confiées.

Enfin, je termine en m’inspirant de la première lecture. Zacharie parle au nom du Seigneur :

«En ce jour-là, je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit qui fera naître en eux bonté et supplication. Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé (…) En ce jour-là, il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure».

Texte surprenant, qui annonce le cœur de Jésus transpercé, d’où jaillit la source d’un amour inépuisable qui guérit et purifie…

A quoi cela sert-il d’être chrétien, si ce n’est pour boire à cette source qu’est le Christ ?
La mission de l’Eglise ne se résume-t-elle pas à offrir cette source pour qui veut y boire?

Si telle est la mission essentielle de l’Eglise, la question à nous poser n’est pas de savoir comment nous pouvons survivre en changeant le moins possible nos structures et nos habitudes… mais plutôt de nous demander comment nous organiser pour que le Christ soit une source réelle de vie pour nous et pour tous ceux qui habitent notre Unité Pastorale? Il y a un an, notre Evêque nous interpellait dans une lettre pastorale («si tu veux devenir chrétien, entre dans l’Eglise», avril 2009); il suggérait que chaque Unité pastorale réfléchisse à la possibilité d’offrir chez elle, en un lieu à décider, la possibilité de vivre l’expérience chrétienne de façon intégrale: accueil, annonce de l’Evangile et approfondissement de la foi, liturgie nourrissante, solidarité avec les petits et les souffrants de notre monde. Un lieu qui soit un signe fort de vie chrétienne, un lieu où la source coule à flot et fait gouter toutes ses saveurs… A l’échelon d’autres communautés, peut-être plus petites et modestes, la question est aussi de se demander comment être une vraie source, même si l’eau n’y coule que modestement… L’important est qu’il y coule de l’eau qui soit potable, même si ce n’est qu’un filet d’eau, que ce filet d’eau soit accessible, et qu’il conduise là où l’eau coule davantage à flots !!

Devenir chaque jour davantage croyants en Jésus Christ, travailler à notre communion à travers nos légitimes diversités, reprendre conscience que l’Eglise n’a de sens que si elle permet de désaltérer à la source vive qu’est le Christ… Voilà 3 appels qui peuvent nous aider vraiment, il me semble, à discerner ce que le Seigneur attend de nous aujourd’hui…

Abbé Jean-Pierre Lorette

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